Les couteaux font partie intégrante de l’histoire de France. Au-delà de leur usage pratique, ils reflètent un patrimoine culturel riche, porté par des siècles de coutumes et de savoir-faire. Chaque terroir a développé des styles et des méthodes de fabrication qui lui sont propres. Ces objets sont fabriqués à la main par des couteliers d’exception qui perpétuent des techniques qui se transmettent souvent de père en fils. Que ce soit pour leur utilité ou leur beauté, les couteaux emblématiques français continuent de séduire à travers les époques, incarnant à la fois la tradition et l’innovation.
Les couteaux français : des lames et des manches iconiques qui ont marqué les siècles
Le couteau Nontron, le plus vieux couteau français
Sa naissance remonte au XIIIe siècle, époque à laquelle les compagnons couteliers parisiens avaient l’habitude de s’arrêter à Nontron, lors de leur tour de France pour perfectionner leur art. À la même époque, d’après le glossaire de La Curne de Sainte-Palaye, les poètes vantaient les « couteaux de Pierre gord » en raison des fers et des aciers du Périgord. En effet, la région offrait un environnement favorable grâce à la présence de minerai de fer (nontronite), de vastes réserves forestières, de massifs de buis et des eaux très froides du Bandiat.
En 1653, Guillaume Legrand, maître coutelier de la paroisse Saint-Eustache à Paris, s’installe à Nontron. Il commence alors la fabrication du couteau éponyme. D’autres couteliers viendront rapidement s’implanter, puisqu’en 1788, l’inspecteur des manufactures et fabriques de la généralité de Bordeaux dénombrait 8 ouvriers couteliers répartis dans 5 coutelleries, tandis que Nontron ne comptait que 2 800 habitants.
À la fin du XVIIIe siècle, deux familles, les Bernard et les Petit, vont marquer l’histoire du couteau Nontron. En effet, lors de la Première Guerre mondiale, le ministère de la Guerre commanda à ces deux coutelleries la fabrication de Nontron à cran d’arrêt. Aujourd’hui, la Coutellerie nontronnaise perpétue ce savoir-faire rare qui lui a valu d’être labellisée EPV (entreprise du patrimoine vivant) en 2010.
Le couteau Nontron est unique avec sa lame fermant en forme de feuille-de-sauge et son manche en buis qui se termine par un sabot, une virole, une boule ou une queue de carpe. Deux motifs pyrogravés figurent sur son manche ; ils sont la marque de fabrique de ce célèbre couteau. Ils représentent un « V » inversé semblable à une voûte céleste, encadré de 3 points, dont la signification reste mystérieuse.
Le couteau Laguiole, un emblème intemporel
C’est certainement le couteau français qui est le plus connu dans le monde. Son nom provient d’un petit village, Laguiole, situé au cœur de l’Aveyron dans la région de l’Aubrac, où naît en 1813 Pierre-Jean Calmels, surnommé Bridoulet. Les premiers couteaux créés par ce génie que rien ne prédestinait au métier de coutelier sont avant tout des couteaux utiles et peu d’entre eux ont été conservés à travers les siècles.
En revanche, à côté d’une fabrication d’outils à manche de corne destinés aux paysans, Pierre-Jean Calmels, fondateur de la « Coutellerie Calmels » en 1829, s’est consacré à celle de couteaux de luxe avec un manche en ivoire et une lame « Yatagan » qui caractérise les couteaux Laguiole.
Petit à petit, le couteau Laguiole va évoluer et se doter de nouveaux éléments, tels que le ressort, le cran forcé et un motif décoratif situé à l’extrémité du ressort. Ce motif a fait couler beaucoup d’encre, car les avis divergeaient sur ce qu’il représentait : une mouche ou une abeille. Pour le fils de Pierre-Jean Calmels, c’était sans conteste une abeille, un couteau de prestige ne pouvant pas porter une mouche comme élément ornemental.
Le couteau Laguiole a connu un énorme succès de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, période où l’industrialisation a occasionné la mécanisation de la production et le déclin de l’artisanat, entraînant la chute des ventes de couteaux Laguiole.
Dans les années 1980, on a pu assister à la renaissance de cet élégant couteau, grâce à la passion d’entrepreneurs locaux qui ont décidé d’en relancer la fabrication artisanale. Des manufactures sont alors créées dans la région de l’Aubrac et les couteliers reprennent la mise en œuvre de ce couteau mythique dans le respect des techniques traditionnelles. De nouveaux modèles sont proposés ; ils allient bois précieux et matériaux naturels, comme la corne et l’os.
Le couteau Opinel, un outil du quotidien devenu culte
Le couteau Opinel est le couteau pliant par excellence. Il est utilisé par des millions de personnes, à travers le monde. Ce couteau, polyvalent et d’un coût abordable, a été inventé, en 1890 en Savoie, par Joseph Opinel. Il est reconnaissable par sa lame en acier inoxydable et son manche en bois, généralement en hêtre.
Ce qui le caractérise est certainement le fait qu’il existe en différentes tailles afin de convenir à toutes les mains et pour servir à différents usages. En 1897, Joseph Opinel met au point 12 tailles (du numéro 1, le plus petit muni d’un anneau pour l’accrocher à la chaîne de montre à gousset, au numéro 12, le plus grand).
Depuis 1909, toutes les lames des couteaux Opinel ont pour emblème « La main couronnée » qui représente la main bénissante de Saint Jean-Baptiste et une couronne qui rappelle que la Savoie était un duché.
En 1955, Marcel Opinel, le fils de Joseph, dote le couteau d’une virole tournante qui permet de bloquer la lame une fois dépliée, pour améliorer la sécurité d’utilisation du couteau.
Aujourd’hui, le plus petit porte le numéro 2 avec une lame de 3,5 cm. Il existe aussi un n° 13, un Opinel géant de 22 cm qui mesure 50 cm lorsqu’il est ouvert. Ce couteau a dépassé son simple statut d’outil pour devenir un objet design et un symbole de l’art de vivre à la française. C’est ainsi qu’en 1989, le petit-neveu de Joseph a transformé le site de Saint-Jean-de-Maurienne pour créer un musée qui retrace l’histoire de l’Opinel, preuve de sa place unique dans la culture française.
Article rédigé par
OPINEL