La serviette de table, si commune dans notre quotidien, est en réalité un objet qui a traversé les siècles, les civilisations et a voyagé à travers le monde, de l’Antiquité à nos jours. Son usage ne se limite pas à sa fonction utilitaire, elle est aussi le témoin d’une histoire riche et de l’évolution des coutumes, perpétuant des traditions qui reflètent le savoir-vivre français. Au fil des époques, les serviettes de table ont connu de nombreuses transformations et, bien que souvent discrètes, elles demeurent au cœur des arts de la table, portant avec elles le poids de ces histoires et traditions intemporelles.
Serviettes de table : un voyage à travers l’histoire et les traditions
La serviette de table et les mœurs antiques
Il faut se rappeler que jusqu’au début du XVIIe siècle, les convives utilisent leur main pour porter les aliments à leur bouche, ce qui a pour conséquence de graisser leurs doigts.
À l’époque de Sparte, la serviette consiste en de petits morceaux de pâte que les Spartiates appellent « apomagdalies ». Ils les roulent et les pétrissent sur la table, comme s’ils s’apprêtaient à faire du pain. Ils les utilisent ensuite pour s’essuyer la bouche et les mains. Quant aux Celtes, ils recourent au foin qui leur sert de siège pour se nettoyer la bouche et les doigts.
À la fin du IIe siècle av. J.-C., les nobles romains ont l’habitude de prendre leur repas le plus copieux, la Cena, dans une pièce nommée triclinium. Après avoir retiré leurs chaussures, ils s’installent sur des lits confortables qui entourent une table où les plats sont disposés. Les Romains mangent avec leurs doigts et les essuient en général sur les draps qui recouvrent les banquettes. Toutefois, certains convives apportent leur serviette, ce qui est un luxe réservé aux Romains les plus riches. Elles sont généralement blanches, parfois tissées de fils d’or. Les serviettes ont alors une autre utilité que de s’essuyer, car elles leur permettent d’emporter les restes du repas.
La serviette de table au Moyen Âge
Au début du Moyen Âge, la tradition de la serviette apportée par chaque convive disparaît. Dans la maison médiévale, les habitants cuisinent, mangent et dorment dans la même pièce. Seuls les hauts placés dans la société bénéficient d’un lieu séparé pour la préparation des repas. Les commensaux mangent sur des planches installées sur des tréteaux et recouvertes de pièces de tissu qui peuvent être pliées en deux et qu’on appelle « doublier ». Celles-ci sont très grandes et leurs pans retombent jusqu’au sol, ce qui permet à chacun de s’y essuyer les mains et la bouche. Parfois, seuls les bords des tréteaux sont recouverts par une « longuière ».
Au XIIIe siècle, on voit apparaître des « touailles », sorte de torchons, mesurant généralement 4 mètres de long, qui sont suspendus au mur et servent à deux usages : s’essuyer collectivement et recouvrir les restes des victuailles à la fin du repas. Enfin, au XIVe siècle, la serviette apparaît dans le Ménagier de Paris, un livre manuscrit d’économie domestique et culinaire qui était, au départ, uniquement destiné à un usage au sein de la famille de son auteur.
La serviette de table à la Renaissance
C’est à la Renaissance que paraît le premier livre de savoir-vivre. On le doit à Érasme, philosophe néerlandais. Dans son Traité de civilité puérile destiné à l’éducation des enfants, on peut lire dans le chapitre IV consacré aux repas : « Avant de boire, achève de vider ta bouche et n’approche pas le verre de tes lèvres avant de les avoir essuyées avec ta serviette ou avec ton mouchoir […] ».
Au XVIe siècle, la serviette de table individuelle commence à voir le jour. De forme carrée ou rectangulaire, elle est beaucoup plus grande que celle que nous utilisons de nos jours, puisqu’elle peut atteindre un mètre de côté.
La présence de la serviette de table se répand. La plupart des convives l’attachent autour de leur cou pour protéger les collerettes imposantes portées à l’époque par les femmes et les hommes.
Puis l’usage de la fourchette se généralise à partir du XVIIe siècle et les convives prennent l’habitude de poser leur serviette sur les genoux, ce qui est encore la norme aujourd’hui, même si certains continuent à la nouer autour de leur cou, comme en atteste le tableau Le gourmand du peintre Louis-Léopold Boilly (1761-1845).
D’autres portent la serviette sur le bras gauche. Cette tradition perdure chez certains garçons de café ou chefs de rang dans les brasseries. La serviette est pliée en trois dans le sens de la longueur et le pli fermé se trouve vers l’extérieur ; elle prend alors le nom de « liteau ».
L’évolution de la serviette de table des temps modernes à aujourd’hui
Au XVIIIe siècle, la serviette sert à mettre en avant le statut social de celui qui la possède. Elle prend alors une place importante dans les arts de la table. Elle peut être de couleur, comporter des motifs, être brodée avec un monogramme…
Au XIXe siècle, les serviettes sont d’une taille plus réduite, l’usage exclusif des couverts étant de rigueur. Elles deviennent un élément incontournable du linge de table et font partie du trousseau que les jeunes filles préparent en prévision de leur mariage. Cette tradition perdure jusqu’au début du XXe siècle.
Puis, en 1930, c’est l’arrivée des premières serviettes de table en papier commercialisées aux États-Unis par l’entreprise Scott Paper. Elles se popularisent dans les années 1950, tandis qu’elles étaient déjà utilisées en Chine pour servir le thé, depuis le IIe siècle av. J.-C. Elles portaient alors le nom de chih pha.
Si les serviettes en papier ont à présent remplacé les serviettes en tissu dans de nombreuses circonstances, elles n’ont pas pour autant détrôné ces dernières qui restent utilisées dans les grands restaurants et lors des repas de fêtes. De plus, on assiste à leur retour dans la vie de tous les jours, car elles permettent de préserver l’environnement en participant à la diminution de nos déchets.
Article rédigé par
Alto Duo