Dans le Puy-de-Dôme, sur un éperon rocheux face à la chaîne des Puys, cette cité médiévale au riche passé porte en ses paysages les origines et le fleuron des couteaux français. À travers plus de six siècles d’histoire, la ville de Thiers a vu naître et se succéder différentes techniques de production, d’abord artisanales puis de plus en plus modernes. Partons à la découverte de l’histoire de la capitale française de la coutellerie.
Thiers : l’histoire de la capitale française de la coutellerie
Aux origines de la capitale française de la coutellerie
Selon la légende, les croisés auvergnats auraient rapporté d’Orient le secret des procédés métallurgiques. Toutefois, si la coutellerie a pu prospérer dans le bassin de Thiers c’est avant tout en raison de sa situation géographique.
La cité auvergnate est en effet bordée par la Durolle, une rivière torrentueuse dont la force hydraulique a été exploitée dès le Moyen-Âge pour entraîner les moulins à farine, les maillets des papetiers, les foulons des tanneurs puis plus tard pour actionner les martinets des fondeurs et les meules des émouleurs. C’est ainsi que se sont développées les vallées des Usines et des Rouets dans les gorges de la Durolle.
La cité médiévale et les villages de la région de Thiers accueillent ainsi dès le 15ème siècle différents ateliers de fabrication dans le cadre de la parcellisation du travail. Pour produire le plus efficacement possible, les métiers sont très spécifiques et la main-d’œuvre est spécialisée dans chaque tâche sous-traitée. Il y avait ainsi les martinaires qui amincissaient les barres d’acier afin de les rendre aiguisables. Puis les forgerons qui délimitaient les pièces de coutellerie avant de les envoyer aux limeurs, aux perceurs, aux émouleurs puis aux polisseurs.
Les conditions de travail étaient difficiles dans ces ateliers surnommés « le Creux de l’Enfer ». Les photos et archives locales des « ventres jaunes » témoignent notamment du quotidien des émouleurs, ces travailleurs qui donnaient leur tranchant aux lames étaient couchés sur le ventre au-dessus des meules, avec parfois un petit chien allongé sur les jambes.
L’architecture et les quartiers de cette commune de la région Auvergne-Rhône-Alpes portent encore les vestiges de ces différentes époques : le nom des rues, les enseignes sur les boutiques, l’empreinte des premières forges industrielles, mais aussi quelques roues à aubes toujours en place témoignent de l’ampleur de cette activité dans le bassin thiernois. Tout en ayant modernisé la production, la cité a su conserver le savoir-faire ancestral et le marché national de ces instruments tranchants.
L’évolution de la coutellerie à Thiers
Dès le 17ème siècle, la commercialisation des couteaux de Thiers s’étend au-delà de l’enceinte de la ville. Les ruelles de la cité voient s’ouvrir de nombreuses boutiques pour les visiteurs, mais les couteliers thiernois exportent aussi leur production directement sur le marché national en ciblant les grandes villes telles que Paris, Lyon ou Bordeaux.
Puis à partir du 18ème siècle, les coutelleries de Thiers se font connaître en dehors des frontières françaises, avec une reconnaissance qui s’étend en Italie, en Espagne et jusque dans les Indes. L’essor économique de la ville de Thiers est intimement lié à cette activité artisanale.
À la fin du 19ème siècle, de nombreuses coutelleries se modernisent, notamment grâce à l’électrification. C’est ainsi que le savoir-faire semble perdurer malgré la révolution industrielle. Deux courants se dessinent alors dans la cité avec d’un côté la vallée des Rouets qui conserve une production artisanale utilisant la force motrice de la rivière, et de l’autre côté des rives de la Durolle s’implantent les grandes usines électrifiées.
De nos jours, les entreprises du bassin thiernois n’utilisent plus la force hydraulique, mais elles emploient malgré tout près de 2 000 personnes et produisent encore près de 80 % de la consommation française de couteaux de table, couteaux de poche et couteaux professionnels. Il s’agit du plus gros bassin de production coutelière en Europe.
Afin de préserver son patrimoine et ses 800 ans d’histoire, la ville a créé le musée de la Coutellerie et cherche à faire perdurer les savoir-faire de la coutellerie d’art. C’est aussi la vocation du festival Coutellia qui met à l’honneur la ville de Thiers en tant que « Capitale mondiale de la Coutellerie ».
Le Thiers® : un couteau emblématique à l’initiative des artisans couteliers thiernois
Durant plusieurs décennies, les couteliers thiernois ont produit des couteaux régionaux avec une diversité de formes, d’usage et d’appellations, dont le fameux « Laguiole » du nom d’un village de l’Aveyron, mais aussi « Le Normand », « L’Aurillac », « L’Issoire »…
Pour autant, aucune lame ne portait fièrement l’identité de la cité à l’origine de ces nombreux ustensiles tranchants. Ce n’est qu’en 1994 que la Confrérie du Couteau de Thiers a déposé un modèle auprès de l’I.N.P.I. (Institut National de la Propriété Industrielle) pour bénéficier de l’appellation LE THIERS®.
Ce couteau emblématique de la cité est reconnaissable à sa ligne générale, son logotype gravé en T. et le marquage sur la lame, complété du nom du fabricant.
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